Elisa Shua Dusapin (France - Suisse - Corée du Sud)

01 11 2023

Elisa Shua Dusapin en lecture à la maison du Goupillou, à sa droite, Nelly Vranceanu et l’amie Morgane Pipolo.
© Arnaud Galy - MdG

Elisa Shua Dusapin, cette étrange créature au regard doux et perçant en même temps, parait venue d’une autre époque. Elle nous observe et traduit ses observations en concoctant des romans. Sans héroïsme, sans frustration, ses histoires de personnages communs emportent notre imagination dans des topographies, des années et des irréalités qui se transforment petit à petit sous nos yeux de lecteurs en histoires évoquant le réel. Son écriture se greffe sur nos imaginations visualisant un monde si reconnaissable. Les scènes se jouent dans l’espace de l’écriture en ressemblant à un écran de cinéma. L’intrigue est toujours en lien avec un de ses voyages. Elle part en quête de son prochain roman à des milliers des kilomètres pour le garder au chaud dans ses poumons, ses yeux, son ventre, parfois déglingués par le stress du voyageur. Mais les émotions révélées par ses expériences et rencontres, créent des tourbillons d’actions, l’intrigue littéraire alimentée par ses personnages romanesques. Je l’observe aussi. Tout comme elle nous observe et vit de chacune de nos vies. Sourire aux lèvres les soirées de détente et de discussions, sérieuse au moment de l’écriture, Elisa Shua Dusapin a fait sa place dans mon cœur, pour toujours. J’attends sa prochaine intrigue littéraire avec impatience. Je lui fais confiance, elle sait regarder, lire, interpréter et transformer une réalité en œuvre littéraire. Avec sa douce voix d’écrivaine et de jeune femme, d’être humain faisant partie de la modernité, elle garde sa personnalité, sa disponibilité pour apprendre de nos histoires et les partager sur papier. Merci Elisa Shua Dusapin.

Nelly Vranceanu
Administratrice de la maison du Goupillou


21 09 2023
Un mois après la sortie !

Le 22 août 2023, le Vieil incendie prit toute sa place dans la rentrée littéraire. On l’imagine batailler pour se frayer un chemin au milieu 450 romans précipités sur le circuit du succès, des rendez-vous manqués et des regrets. Mais voilà, dès les premiers jours, le Monde, l’Humanité et Télérama le conseillent parmi les 10 sortis du lot ! Slate fait de même dans la foulée. D’élogieux portraits d’Elisa Shua Dusapin, pleine page, fleurissent en Suisse comme en France. La Tribune de Genève et le Temps « se tirent la bourre »...
À la maison du Goupillou, nous buvons du petit lait... n’y voyez aucune récupération stupide, juste le bonheur rafraîchissant d’avoir partagé ce moment de création avec Elisa Shua Dusapin et l’immense joie d’avoir rencontré cette brillante jeune femme...
... nous ne sommes pas les seuls à la voir talentueuse :

« Quelque chose se cache dans le blanc des pages. Un cri ou le silence. Elisa Shua Dusapin a les mots parfois déchirants et, souvent, on s’arrête sur eux pour les chuchoter. Elle nous touche, elle nous parle. Un roman brûlant sur la violence des sentiments qui unissent deux sœurs. »
Alice Develey - Le Figaro

« Elisa Shua Dusapin fait rougir les braises du souvenir, dans une ambiance brumeuse et mélancolique. Un récit sobre et délicat, d’une puissance souterraine. »
Julie Seuret - Le Quotidien Jurassien

« [Son] sens de l’épure s’est enrichi d’une forme de minéralité et d’un peu de glaise. Il fore désormais dans des strates existentielles encore plus profondes. »
Thibaut Kaeser - Echo Magazine

« Une relation sororale fusionnelle puis distendue, mise à l’épreuve pendant neuf jours de novembre, période pendant laquelle les deux jeunes femmes qui ne se sont pas vues depuis quinze ans vident la maison après la mort du père. »
Frédérique Fanchette – Libération

« Le premier mot qui nous vient, c’est la délicatesse. Deux sœurs se retrouvent pour vider la maison familiale, deux êtres en apesanteur, entre silences et malentendus, atmosphère étrange où la nature elle-même semble être en décalage. Un moment de grâce. »
Jacky Flenoir – Libraire à La Rochelle (France)

...
« Bienvenue en Dordogne !
On y entend le crissement de la laine, le crépitement du bois la nuit qui réveille les âmes écorchées, les "non dits " et surtout les "j’aurais du".
Avec un style pur, travaillé comme une partition où chaque mot se pose sur la bonne portée. Elisa Shua Dusapin a cette faculté impressionnante de créer un univers où tout se joue en équilibre entre fragilité, force, silence et cri de rage .On lit .. on attend car c’est elle qui orchestre.
J’ai pensé le lire vite et n’ai pas su le faire .Dans cet univers là même les arbres vous font bien comprendre qu’ils ne pousseront pas plus vite parce que vous êtes pressé.
On referme le roman... comme tous ceux de cette autrice en y pensant longtemps après avec cette étonnante impression d’avoir assisté à une intimité qui ne nous regarde pas et qui pourtant nous bouleverse.
Et dans ce monde actuel qui fait tant de bruit, de paillettes, de surenchères et de superflus il est vraiment plaisant de s’attarder sur ces romans délicats où les personnages qui ne crient pas ou ne parlent plus sont ceux qui ont vraiment des douleurs vives à exprimer. »
Valérie – Infirmière

« Les récits d’Elisa Shua Dusapin relèvent un peu d’un paradoxe qui transmue la simplicité en quelque chose d’extraordinairement élaboré, la banalité en étrangeté, la parole en silence. Tout y est d’une clarté opaque. Décalé, disjoint, comme rejoué sans fin à l’intérieur de soi et dans l’univers qui nous entoure, comme si la prose, la fiction, nous redimensionnaient dans un espace lui-même redimensionné. Ses livres altèrent le monde, nous altèrent, profondément. »
Hugo Pradelle – Critique littéraire

« Elisa Shua Dusapin fait partie de ces auteurs qui transmettent énormément de sentiments en peu de mots. En 140 pages, elle déploie toute la délicatesse qu’on lui connaît pour évoquer des retrouvailles un peu spéciales.
Agathe revient dans son Périgord natal pour aider sa sœur à vider la maison de ses parents. Partie à New York lorsqu’elle avait 15 ans, elle y a construit sa vie dans le monde du cinéma, laissant derrière elle sa sœur mutique et son père les ayant élevées seul.
Les huit jours de ce retour vers le passé sont égrenés, les pièces vidées les unes après les autres et pourtant on a réellement l’impression de vivre un voyage hors du temps. Tout est suspendu autour de ce duo réuni.
Pour ces sœurs si proches autrefois et qui ne savent plus se livrer l’une à l’autre, cette intimité forcée va être une épreuve tout autant qu’un moyen de trouver enfin un certain apaisement. Le silence occupe un espace essentiel entre elles et quand les mots sont dits ou écrits, leur poids menace de faire basculer un équilibre précaire.
C’est doux, profond, cela dit beaucoup des blessures que peuvent laisser l’enfance et l’éloignement. Des souvenirs d’antan aux femmes qu’elles sont devenues, Agathe et Vera détricotent les brins emmêlés de leur jeune existence pour pouvoir laisser derrière elles l’amertume qui avait déposé un voile sur leur relation. »
Aurélie Barlet – Travaille dans une maison d’édition


06 04 2023
Texte en liberté
La martinet noire* s’est posée à la maison du Goupillou
Moments en résidence, commencé à écrire en janvier 2023

Elisa Shua Dusapin, partira bientôt... tout le monde profite de sa présence, encore une fois !
© Arnaud Galy - maison du Goupillou

Ce sont ses pieds, plutôt le bout de ses orteils, qui sont appuyés sur l’assise de la chaise, accroupie, son dos droit comme celui d’une gymnaste en sortie de flip flap frôle le dossier. Tenir une posture saine laisse entrevoir un projet de longue haleine. Grosses chaussettes bariolées, charentaises, pull-over beige douillet, haut bonnet surmonté non pas d’un pompon, mais d’un casque audio qui vient plaquer le dit bonnet sur ses oreilles. L’écran d’ordinateur lui fait face. Elle est déconnectée du monde. Elle écrit sous l’œil discret des orchidées, voisines de table. Seuls comptent l’enchaînement des mots, la musique de l’action, la cohérence du chapitre... Déconnectée du monde. De l’autre côté de la table de cuisine, car nous sommes dans la cuisine, je tends le bras. Je lui tends une tasse de thé vert au jasmin et à la cannelle, je la secoue avec moult précautions espérant que le mouvement la sorte de sa torpeur créatrice. Bingo. Élisa lève les yeux, me regarde une fraction de seconde comme si ma présence ne collait pas au déroulé de sa scène. Puis, la connexion est rétablie. Sourire, casque décollé des oreilles puis enlevé, posé... elle prend la tasse, un large sourire aux lèvres.

Elisa Shua Dusapin terminera prochainement son troisième mois de résidence à la maison du Goupillou : août, alors que le lieu était aussi occupé par son confrère camerounais et poète Kouam Tawa. Novembre, seule face à l’azertyuiop. Fin décembre jusqu’au début février, seule bataillant avec les points sur les i et les relectures incessantes. Trois mois pour mettre un point final à son quatrième roman. Toujours à la recherche de pans de ses origines, après avoir passé un Hiver coréen du côté de Sokcho ; un été japonais à décrypter le monde du Pachinko familial et un automne circassien et vladivostokien à jouer avec du fil, des aiguilles et une barre russe... là voilà en Dordogne, terre de sa naissance. Qui l’eut cru ?

Une terre de naissance qui, l’avenir le confirmera... ou pas, a été propice à l’écriture et aussi à elle, Elisa Shua Dusapin. Elle qui, depuis sa naissance emmagasine les expériences, vertiges des montagnes russes, infatigable martinet noir, discrète autant que solide, toujours confrontée à des démons sources de romanesque.

La langue, les langues, devrait-on dire. Des parents, Normand et Sud-Coréenne venus mettre au monde leur premier enfant loin de leurs terres, juste parce que la topographie et la végétation du terroir élu, Sarlat-la Canéda en Dordogne, ressemble à la Corée du Sud maternelle. Puis, s’installent en Suisse où vivent ses grands-parents coréens qui après une vie helvétique ne parlent quasiment que le coréen. Langue natale, le coréen... puis l’allemand qui est la langue d’études... puis le français, la langue de la Suisse romande... puis l’anglo-américain, langue états-unienne où elle s’installe des mois durant – parlez-lui de la solitude à New-York ! - des bribes de Japonais, l’oreille attentive au Russe... Elisa Shua Dusapin s’égare-t-elle dans ce dédale linguistique et émotionnel ? Sans doute parfois, sinon pourquoi la langue – les langues – prendrait-elle autant de place dans ses romans ?

Ici, lors de sa résidence, la martinet noire s’est enfin posée. Comme à chaque période d’accouchement de mots. La trame et les mots mijotent durant les interminables vols, les tournées de promotion et leurs répétitives nuits d’hôtel. Parfois la jeune femme intercepte un mot ou un p’tit bout de phrase prononcé par un ami, un voisin, une inconnue et le met à l’abri, au chaud, l’imaginant porteur d’un sens ou d’une évasion. Puis... elle se pose. Elle appuie sur pause. Séquence sa journée en marche ou course à pied ; en lectures gourmandes ; en visites coup de vent de ci-de là... puis se couche sur le papier. Moment de joyeuse torture, de folie rationnelle, d’introspection libératoire... les pages se font, se défont, s’allègent, s’assèchent ou s’empâtent, se refont, se redéfont...

Tels des entomologistes empathiques, les observateurs privilégiés prennent l’allure de supporters au sommet du Galibier, arrivée de l’étape, qui attendent leur champion. Ils suivent les derniers lacets, les derniers mots, aussi asphyxiés que la cyclistécrivaine... jusqu’au moment où, enfin, cette dernière descend un matin de sa cellule de scribe et annonce, un sourire crispé et joyeux incrusté sur le visage ; « j’ai envoyé mon texte à mon éditrice... ».

Elisa Shua Dusapin, reprendriez-vous une tasse de thé vert au jasmin et à la cannelle ?

* Martinet noir : certains affirment que cet oiseau ne se pose jamais, d’autres sont moins radicaux. Il est certain que la sédentarité ne le guette pas, lui.


27 novembre 2022
Elisa Shua Dusapin a mis un point, presque final, à son prochain roman. Il aura pour cadre une maison en Dordogne... Merveilleux clin d’œil involontaire adressé à la maison du Goupillou. Ecoutez les mots, le ton et l’émotion d’Elisa Shua Dusapin quelques heures avant son départ...

Avec nos amis de Beaurecueil, forge de la poésie nous avons organisé une rencontre entre Elisa et ses lecteurs. L’occasion de l’écouter lire des extraits de ses trois romans publiés et de celui, tout frais, pas tout à fait sec, écrit ici à la maison du Goupillou. Puis de répondre à quelques questions...





Août 2022
Comment dissocier Kouam Tawa et Elisa Shua Susapin ? Oui, je sais, vous avez « cliqué » sur le portrait de l’une ou de l’un et vous vous retrouvez sur une page qui aborde la vie du binôme à la maison du Goupillou. Pourquoi donc ? Ils ne sont restés que quelques semaines ensemble cet été, Kouam bien plus longtemps qu’Élisa, cette dernière revenant en novembre terminer à la fois son « temps » chez nous et surtout son dernier roman. Quel honneur.
Kouam eut une journée complète pour accueillir les ami(e)s de la maison du Goupillou et pour les émouvoir à l’écoute de son poème écrit ici même. Élisa aura son tour cet automne... Alors, pourquoi parler d’eux dans le même texte.
Lui, poète, pétri de la terre poussiéreuse de son Cameroun, elle immergée dans le romanesque teinté de ses multiples origines. Avec Élisa, l’Asie n’est jamais bien loin, même ici entre chênes truffiers et grotte du Jugement dernier de Brantôme. Si loin de Bafoussam.
Pourquoi ?
Pour leur complicité instantanément établie ; pour leur sens du partage et de l’écoute ; pour leur soif de découvrir les mystères des environs de la maison du Goupillou ; pour leur enthousiasme à intégrer ces découvertes locales dans leurs propres écrits ; pour leur face à face diurne autant que nocturne avec leur création en cours ; pour leur plaisir à se promener dans les bois d’ici en quête de nos inspirants fantômes ; pour leur état d’esprit si propice à passer du temps en ce lieu.
Si différents, si proches... Élisa et Kouam ont illuminé la maison du Goupillou par leur présence tout au long de l’été. Comme dirait Kouam, en bon camerounais, « on est ensemble » et cela n’est pas près de s’arrêter ! Parole de goupil...