Le blogue du Goupil et de ses amis !

Le blogue du Goupil et de ses amis est le porte-voix des initiatives culturelles et artistiques qui poussent de-ci de-là dans le très proche environnement de la maison du Goupillou. Il annonce ou rend compte, il est précis ou évasif, fait la part belle aux mots, aux sons et aux images. Il est un espace de liberté autant que d’information.


Un soutien de la première heure de la maison du Goupillou


21 06 2024

© François Loupien

Grande, élancée, coiffée de longues tresses, chargée comme un âne, selon ses propres mots, Laetitia Ajanohun a posé ses valises trois semaines à la maison du Goupillou. Elle continuera ses pérégrinations littéraires jusqu’à la fin août. La jeune femme était il y a quelques semaines à Kinshasa pour faire vivre une collaboration « vieille » d’une quinzaine d’années avec le Tarmac des auteurs de la ville. En mars, elle posa son clavier à la Villa Valmont, résidence renommée en Bordelais. Laetitia Ajanohu n’est pas une écrivaine de salon ! Elle écrit animée par une bougeotte chronique. Ici, elle s’est fixée une double tâche : mettre un point final à une pièce de théâtre presque bouclée et poursuivre l’écriture de son premier roman, ZANWONNANKOU La Nuit a oublié de tomber. D’ici quelques jours après avoir trouvé ses marques, Laetitia nous en dira davantage sur ses écrits en progression, son rapport avec le Bénin, pays de son père... La curiosité n’est pas un défaut...


01 04 2024

Trois ans, c’est peu et...
… en même temps ça permet de rectifier,
ou plutôt d’enrichir une initiative.
Trois ans de résidences d’écritures, de tranquillité et d’effervescence créatrice, de proximité avec des partenaires confiants et de projets fous à creuser.
Trois ans de rencontres qui dépassèrent largement le cadre des mots, de la pensée littéraire et des rimes pas toujours riches !
C’est pourquoi, sans tambours ni trompettes, la maison du Goupillou s’activera pour une soirée, un week-end ou une période à mettre en ébullition des artistes, des universitaires, des engagé(e)s de toutes sortes. Autour d’une bonne table, d’une visite de l’abbaye de Brantôme ou d’une balade spongieuse dans une zone humide, chacun apprendra de l’autre, imaginera une œuvre collective, acceptera de changer d’avis ou renforcera ses convictions...
La maison du Goupillou, toujours autant résidence d’écritures francophones ne rechignera pas à être un lieu de compagnonnage artistique "multi-talentueux". Il va sans dire que Beaurecueil Forge de la Poésie sera de la partie...


28 03 2024
Saison 2024, Épisode 1 de « la maison du Goupillou » : Yaëlle Palacio

La jeune femme est arrivée, de nuit, dans un bruit de pétarade assez peu discret, le pot d’échappement de son automobile ayant eu une sérieuse envie de rester en villégiature à Libourne, à 30 km de Bordeaux.
Avant de se lancer dans une année de création, Yaëlle a participé à deux journées d’atelier avec des publics forts différents : des bouts de chou avec qui elle a ramassé des pissenlits pour leur faire dessiner des soleils. Les pétales de cette fleur étant propices à l’initiation à la peinture ludique et enfantine. Puis, changement de programme, à Beaurecueil Forge de la poésie, elle s’est retrouvée avec une dizaine de jeunes du CET de la Rousselière – Rocher de Guyenne. Consigne simple pour des gamins peu habitués au cours d’arts graphiques. Qu’importe, une fois passées les premières minutes de perplexité chacun a découvert que mélanger toutes les couleurs faisait du noir, qu’un pot de colle n’était pas si aisé à ouvrir que cela en a l’air, qu’un sèche-cheveux est utile aux peintres sur papier... Chacun suivit la consigne donnée par Yaëlle, invente son décor pour y coller un goupil, un oiseau, des poissons, des arbres ou des troncs dénudés... Une demi-journée hors normes, merci à tous ces peintres en herbe et à leurs éducateurs ou animateurs... Yaëlle est bel et bien arrivée ! À partir de demain, elle entre en session création...

Yaëlle Palacio à Beaurecueil Forge de la poésie

07/03/2024
Yaëlle Palacio, une Première !

Ses yeux, joliment maquillés au très francophone « eye liner », ne cessent de fixer la tasse de thé au jasmin posée devant elle. Instantanément, la jeune femme a repéré le caractère singulier de la tasse. Tournée à la main, décorée par une artiste bien affranchie des conventions marketing. C’est un regard attentionné et professionnel. Figurez-vous qu’elle est responsable de l’atelier de poterie à l’université Bordeaux-Montaigne. Fichtre, que vient faire une potière à la maison du Goupillou pour une résidence d’écriture ? Le « multitalentisme », oserais-je ? Oui, osons ! Yaëlle Palacio, du haut de ses 25 printemps, est une touche-à-tout. Elle est en visite à la maison du Goupillou où elle passera une dizaine de semaines cette année. Le calendrier fait d’elle la première résidente de 2024. Pour la résidence, elle prendra sa casquette d’illustratrice. Elle aurait pu être photographe ou peintre, il se dit même qu’elle ne rechigne pas à parler théâtre...

Une Première pour la maison du Goupillou
Première qui porte le nom de tout plein de partenaires qui font sérieux. La présence de Yaëlle Palacio est due à un projet que la maison du Goupillou à proposé à la Direction Régionale des Affaires Culturelles (DRAC). Laquelle a interpellé la Communauté de Communes Dronne et Belle dans laquelle nous sommes implantés. Communauté de Communes qui est riche de médiathèques et de diverses associations ou établissements scolaires pour qui lecture et écriture sont des priorités. Pas qu’en paroles ! Contractualisées, signées, paraphées. Il n’en fallait pas plus pour que la maison du Goupillou s’immisce parmi ces acteurs institutionnels.
Si nous ajoutons à cette Première que la Fondation Michalski nous a renouvelé sa confiance pour cette année, 2024 s’annonce belle !

Revenons à Yaëlle Palacio dont nous égrainerons les faits et gestes tout au long de l’année. Les lutins de la forêt girondine, près de chez elle, la voient souvent se balader en quête de cailloux, de végétaux ou de terre. Les plus téméraires l’ont suivi jusqu’à son atelier et l’ont observé muets d’étonnement. Ils racontent que la jeune artiste fabrique ses propres pigments afin de peindre aux couleurs du terroir... Que racontera l’histoire qu’elle concoctera à la maison du Goupillou ? Surprise. La première session de résidence se tiendra du 27 mars au 12 avril. Goupils et lutins l’attendent de « pieds » fermes.

(Prochaine publication... quand nous en saurons davantage sur les ateliers et rencontres publiques que Yaëlle Palacio effectuera sur le territoire Dronne et Belle.)


07/07/2023

La maison du Goupillou est ce soir sur les Champs Elysées ! Si, si, grâce à Kouam Tawa qui interprète au Théâtre de la Ville - extérieur - un poème écrit là l’été dernier ! Nous en restons muets...

Kouam Tawa au théâtre de la Ville à Paris
@ Christophe Legay

Encore demain et dimanche...
merci Christophe Legay pour la photo, envoyée en direct !


14/06/2023
10 jours d’ébullition studieuse à la maison du Goupillou. Camille Moreau est arrivée de Bruxelles hier en fin d’après-midi. Un sac à dos qui craque sous le poids des livres, une petite valise, c’est bientôt l’été, nul besoin de se charger. Le moment est important pour cette jeune femme aux écrits publiés à la Musardine. (Les connaisseurs souriront. Les autres googliseront : édition la Musardine.)

Les gentils fantômes de la maison du Goupillou ont invité leurs confrères de Brantôme, afin que l’esprit des Dames galantes soit de la partie. Camille Moreau est lancée comme une sprinteuse vers la ligne d’arrivée : un biographie littéraire d’une auteure phare de la littérature philosophique et érotique dont l’œuvre scénarisée pour le grand écran dénatura fortement la partie philosophique. Camille Moreau remet les pendules à l’heure... Emmanuelle Arsan, c’est d’elle qu’il s’agit, et l’emblématique fauteuil en osier de Sylvia Kristel seront vus d’une tout autre manière après la parution du livre qui s’écrit, en partie, à la maison du Goupillou...

Chanceux les goupils !

© Arnaud Galy - MdG

07 05 2023

Alexandru Schiopu entre calligraphies et objets en papier mâché
© Arnaud Galy - MdG

Dans le cadre de Châteaux en fête 2023
Une collaboration Beaurecueil - Forge de la Poésie et la maison du Goupillou

Alexandru Schiopu, un designer au château

Châteaux en fête : déjà un rendez-vous immanquable alors qu’il n’a que trois ans d’existence. Un mélange d’animations de toutes sortes dans des dizaines de châteaux du département de la Dordogne. Artistes, artisans, comédiens, danseurs, conférenciers ou cornacs d’ânes, tous répondent présent et assaisonnent une action en complicité avec les propriétaires des lieux. 
Au fond, c’est ce que les propriétaires du Domaine de la Vergne (Saint-Sulpice de Mareuil) et Nelly Vranceanu (administratrice de la maison du Goupillou et artiste peintre à Rudeau-Ladosse) organisèrent trois années durant avec 5 châteaux de leurs alentours. De cousu main, l’événement est passé au mode turbocompressé (affiche 2019, ci-dessous).

© Philographie

Beaurecueil - Forge de la Poésie et la maison du Goupillou ont apporté leur contribution à Châteaux en fête 2023 en mitonnant une programmation intense et exigeante dont le cœur battait bien loin du Périgord, à Bucarest en Roumanie. De là, venait Alexandru Schiopu, designer dont l’itinéraire d’apprentissage artistique zigzagua de la Moldavie à la Biélorussie. Après ses études, l’étudiant voyageur, s’installa en Roumanie pour construire une carrière de créateur designer. Diable, comment Alexandru Schiopu s’est-il retrouvé salle Alcide Dusolier, deux semaines durant ?

Rembobinons la bande !

Il était une fois... deux gamins d’une « onzaine  » d’années dans un internat d’études artistiques en République Socialiste Soviétique de Moldavie. Un établissement "hyper" spécialisé qui conduisait les heureux élus à des études universitaires et aux carrières artistiques les plus prestigieuses encadrés par le régime communiste. Les artistes en herbe chantaient, peignaient, dessinaient, sculptaient... et apprenaient l’histoire de l’art. Leurs maîtres soviétiques se nommaient Repin, Vroubel, Serov et Fechine, les maîtres universels Pergolèse, da Vinci et Goya. Difficile pourtant d’apprendre des grands maîtres quand le musée de Chisinau (Moldavie) était une ruine à peine éclairée et les livres en Noir et Blanc peu inspirants. Afin de combler ce manque flagrant de ressources, les plus jeunes regardaient ce que les plus âgés peignaient... On a les modèles que l’époque autorise.

Nous étions au milieu des années 70 du siècle passé. Les deux gamins étaient séparés de 3 ans. Dans le grand bloc hermétique soviétique, le tristouille le disputait au frisquet. Les repas ne réconfortaient pas vraiment l’estomac des adolescents. Les nuits glacées du long hiver moldave ne prédisposaient pas à la joie de vivre. Les profs ? Ah les profs ! Formation soviétique. Un mélange de rigueur, de réel savoir faire, à la fois tristouille et frisquet, toujours prêt à célébrer le régime et endoctrinant les petites têtes malléables par des chansons ou des poésies entretenant le mythe de l’URSS triomphante. Certains, pourtant, firent du bon boulot et les élèves leur en sont reconnaissants, 50 ans après. D’autres profs pourrissent en enfer. L’art idéologique de l’époque ne construisait pas que des gens "bien"...

Ce collectivisme appliqué à l’apprentissage des formes, des couleurs, des esthétiques et des techniques conduisit les deux gamins sur des chemins différents : Nelly Vranceanu à Moscou à l’Université pédagogique, faculté des Beaux Arts et Alexandru Schiopu à Minsk en République Socialiste de Biélorussie. Pour lui, cap sur l’Institut des Arts Plastiques et du Théâtre, pour y suivre les cours de design. Une spécialité qui par essence ouvre sur le monde contemporain : les Constructivistes Rodtchenko et Lissitzky, Vasarely et le maître absolu finlandais Alvar Aalto. La ligne jaune à ne pas dépasser sous peine de "traitrise" à l’idéologie ambiante était d’associer l’art moldave et l’art roumain pourtant historiquement frères. Pas question de parler du peintre Grigorescu, trop roumain pour être honnête ! Alexandru Schiopu se souvient pourtant avoir traduit un article sur Brancusi. Le sculpteur roumain devenu français et mort à Paris en 1957 était-il acceptable pour le régime ou Alexandru franchit-il la ligne jaune ?

À Minsk et Moscou, les deux étudiants fréquentent des foules d’artistes venus de la sphère soviétique et de sa zone d’influence, ils assistent à l’effondrement de l’empire que les avait vu grandir. Restriction, propagande, frontières fermées à double tour... puis vint 1985, un début d’ouverture, puis 1989, 1990, 1991, trois années de lente agonie de l’URSS. Deux mots balayèrent l’Histoire soviétique : la Perestroïka et la Glasnost, autrement dit, la Reconstruction et la Transparence de l’information. Les Républiques attachées à l’URSS reprirent un semblant d’autonomie. Les jeunes artistes professionnels se construisirent un avenir dans ce fracas.
C’était il y a plus de trente ans. Alexandru et Nelly ne se sont jamais perdus de vue ni d’oreille. L’internat tristouille et frisquet occupe toujours un coin de leur tête, tout comme ce tournant des années 80 - 90 pas folichon pour certains, dramatique pour d’autres...

© Alexandru Schiopu

Alexandru Schiopu franchit les grilles de Beaurecueil - Forge de la Poésie le 17 avril après trois jours de voiture pleine comme un œuf de Pâques : du matériel, des attentes, des doutes... Tempête sous un crâne pour affronter cette Première exposition périgourdine. Depuis des mois, WhatsApp et Zoom chauffaient entre son atelier bucarestois et la forge de la poésie. L’exposition proposée dans la salle Alcide Dusolier est un travail d’écriture à 6 mains et 16 coussinets. 
Première étape d’écriture : dans l’hiver, Jean Noël Cuénod et Christine Zwingmann forgerons de la poésie, envoyèrent à Alexandru Schiopu des haïkus et des vers de leurs propres plumes. À ce dernier de les calligraphier, selon son inspiration, son intuition, son désir. Seconde étape d’écriture.


Un vernissage festif
© Arnaud Galy - Mdg

Francophone depuis l’internat, Alexandru précise : « Cette exposition est l’assemblage de proverbes et d’expressions bilingues qui ont le même sens et sont proches dans la forme verbale. Il est intéressant de voir comment les mêmes pensées et sagesses, sont apparues dans différents endroits, chez différents peuples puis ont été empruntées, adaptées. Combien elles ont circulé. Bien entendu, cette exposition n’a aucun but scientifique. C’est simplement un support, un contenu, pour des exercices et des expériences de calligraphie. »


Alexandre Schiopu termine son installation
© Arnaud Galy - MdG

Calligraphier n’est pas un art économe en papier. « La belle écriture » ne se décrète pas d’un coup de plume, parfois l’œil ne se satisfait pas du travail de la main. Comme l’artisan, le calligraphe remet l’ouvrage sur le métier et jette le papier. Jette le papier, encore. La calligraphie, serait-elle un art en sens inverse de l’histoire du 21e siècle ? Un art du gaspillage ? Contraire à l’économie au sens d’économe ? Pas avec Alexandru Schiopu. Lui est adepte du recyclage créatif, du recyclage utile. En lien avec l’exposition, le designer roumain anima des ateliers de papier mâché. Ainsi les papiers aux calligraphies douteuses voire ratées furent transformés en bol ou en abat-jour. Du jeté à l’utile. Du froissé au design. Chic, non ?

Avant de reprendre la longue route vers Bucarest, la voiture nettement moins chargée qu’à l’aller, les calligraphies et les abat-jour ayant pour beaucoup trouvé preneur, Alexandru s’est baladé guidé par les Forgerons et les Goupils de Brantôme à Aubeterre, de Domme à Monpazier. Sans oublier la grotte de Lascaux (dans sa version fac-similé IV), un souvenir lointain de cours d’histoire de l’art devenu réalité !


© Arnaud Galy - MdG

08 04 2023
La nouvelle était annoncée. La voici dévoilée... La maison du Goupillou commence sa troisième année. Inaugurée par Aneta Gonța l’été 2021 et son séjour longue durée qui lui permit d’accoucher de son essai sur l’emblématique écrivain moldave Ion Druță ; puis ce fut un printemps 2022 guyanais avec la présence de l’autrice qui « rafle » prix sur prix ces derniers mois, Emmelyne Octavie ; enfin l’été poétique qui enroba la maison du Goupillou avec le Camerounais Kouam Tawa. Sa présence chantante et engagée résonne toujours dans certains recoins. Enfin, Elisa Shua Dusapin, complice de Kouam Tawa durant l’été puis en solitaire en novembre et en janvier 2023... Bonheur galactique que ces 18 mois passés avec ces plumes aussi différentes qu’attachantes, aussi conviviales que talentueuses.
Que nous réserve, cette année 2023 ? Une première résidente est en approche. Ce sera en juin : Camille Moreau. Si elle est née au pied de la butte Montmartre, elle viendra de Bruxelles où elle habite. Sa courte résidence d’une dizaine de jours sera dense. Il s’agira de relire à la loupe une biographie littéraire... dont le sujet n’est pas encore "divulgable". Ce ne saurait tarder, dès que les ayant droits auront donné leur aval.
Frustration direz-vous ! Patience, répond-je ! Tout ce que je peux vous dire, aujourd’hui, est que cette docteure en esthétique et science de l’art a déjà publié « le Manifeste d’érotologie » en 2021, puis « Lire, écrire, jouir : quand le texte se fait chair » en 2022 aux éditions La Musardine, Paris. Occupera-telle la chambre des Dames galantes et celles des Croquants ?
D’autres informations seront distillées d’ici le 13 juin, date de l’arrivée de Camille Moreau à la maison du Goupillou. Restez à l’écoute...
#littérature #littératurefrancophone #Brantôme #Périgord
Remerciements à © Patrick Galbats


Camille Moreau
© Patrick Galbats

13 02 2023
Le compagnonnage entre La maison du Goupillou et Beaurecueil, forge de la poésie s’est essayé au surréalisme, samedi passé. Et ce, par la face nord, la plus périlleuse : en abordant la comète - comme l’appelle Jean-Noël Cuénod - René Crevel, le surréaliste inconnu. Pourtant 35 personnes sont venues écouter Jean-michel Devésa évoquer son obsession pour Crevel cet inconnu qu’il tente de percer depuis 40 ans !


René Crevel par Jean-Noël Cuenod

Révolte au cœur : la comète René Crevel

Il fut l’incarnation la plus vivante, la plus truculente, la plus désespérée de la révolte, au siècle dernier : René Crevel, surréaliste inconnu ou plutôt devenu inconnu. Voilà un mort plus vivant que bien des cadavres qui s’agitent dans le marigot de ce XXIe siècle, à peine né et déjà pourrissant. Il faut relire cet écrivain par plaisir et pour secouer nos neurones en voie d’avachissement.

René Crevel a vécu dans un vortex de contradictions : mondain et révolutionnaire, surréaliste et admirateur des Lumières du XVIIIe siècle, matérialiste et passionné par les cartomanciennes, communiste (avec, puis sans carte) et amoureux fou de la liberté, bisexuel et ami d’André Breton qui avait en horreur l’amour charnel entre hommes.

L’éternel jeune homme
Crevel a concentré en 35 ans de vie (de 1900 à sa mort en 1935) tous les défis que la première catastrophe mondiale de 14-18 a fait naître. Dans ses Entretiens 1913-1952 (Idées/Gallimard), André Breton décrit celui qui restera un jeune homme pour l’éternité :
Crevel avec ce beau regard d’adolescent que nous gardent quelques photographies, les séductions qu’il exerce, les craintes et les bravades aussi promptes à s’éveiller en lui... à travers tout cela c’est l’angoisse qui domine. Il est d’ailleurs psychologiquement très complexe, contrecarré dans une sorte de frénésie qui le possède par son amour du XVIIIe et particulièrement de Diderot.
Auteur de poèmes, de romans, de pamphlet, René Crevel réunit souvent ces trois genres en une seule oeuvre. Le roman se mue en pamphlet traversé de poésie. Comme les dessins sur le corps d’une vipère qui changent d’aspects au fur et à mesure de ses mouvements reptatoires.

Le venin de la colère
Et c’est le venin de la colère que René Crevel plante de ses crochets dans les fesses grasses du conformisme sous toutes ses formes : politiques, culturelles, surtout ecclésiastiques et théologiques. Le blasphème est, pour lui, une forme d’hygiène mentale qu’il entretient par un exercice que l’on imagine quotidien.
Il prend la révolution bolchévique comme un épouvantail pour le brandir au nez de la bourgeoisie. Dans son essai le plus célèbre, Le Clavecin de Diderot, Crevel multiplie les références marxistes et léninistes tout en les englobant dans un mouvement plus général où la poésie en liberté a toujours le dernier mot.

Le compagnonnage avec André Breton
Il est entré en 1927 au Parti communiste français en même temps qu’André Breton et d’autres surréalistes comme Aragon. Crevel en est exclu en 1933, toujours avec Breton, la greffe entre surréalisme et bolchévisme n’ayant pas pris. Aragon, lui, restera vissé au Parti jusqu’à sa mort, la veille de Noël 1982.
André Breton s’était montré d’emblée réticent vis-à-vis de la discipline des camarades ; très tôt, il a flairé l’odeur pestilentielle du stalinisme qui commençait alors à s’installer dans tous les appareils du communisme international.

Le réalisme stalinien
En 1934, Jdanov, l’âme damnée de Staline en matière de culture, impose sa doctrine du « réalisme socialiste » totalement incompatible avec la libre approche de l’esprit humain développée par le surréalisme.
René Crevel vivra ce divorce de façon déchirante. Malgré tout, il reste fidèle à son engagement communiste, même sans carte. S’il prend ses distances avec la façon dont Breton dirige le mouvement surréaliste, Crevel reste fidèle en amitié avec l’auteur de Nadja.

Le déchirement
Taraudé par la tuberculose, obsédé par la mort et par le suicide de son père lorsqu’il avait 14 ans, écartelé par la rupture entre André Breton et les communistes qui éclate publiquement le 16 juin 1935 à l’occasion du Congrès international des écrivains pour la défense de la culture, René Crevel se donne la mort dans la nuit du 17 au 18 juin 1935. Il venait de recevoir le mauvais résultat de ses analyses qui annonçaient la progression de la tuberculose au niveau des reins.

René Crevel évoqué par Jean-Michel Devésa
Aujourd’hui, l’un des meilleurs connaisseurs de René Crevel a pour nom Jean-Michel Devésa (lire aussi ici), professeur des Universités, auteur, notamment, de René Crevel et le roman (Editions Rodopi), sa thèse de doctorat ; il a également réuni des études parues sous le titre René Crevel ou l’esprit contre la raison dans le numéro 22 de la revue Mélusine (Cahier du Centre de recherche sur le surréalisme) édité par L’Âge d’Homme.
Pour terminer, ce poème de René Crevel, extrait de Frisson :

Un oiseau dans mon cerveau
un oiseau sans voix
plumes battantes à la fois
un oiseau qui n’a pas volé
un oiseau qui n’a pas chanté
apte au seul frisson de l’inutilité.


Jean-Michel Devésa et Jean-Noël Cuenod répètent avant le moment décisif...
© Arnaud Galy

29 01 2023

Ce matin, la MdG a fait un bond en avant, sans bruits, nous voilà doté d’un magnifique logo... il nous vient du graphiste roumain Alexandru Schiopu.
Alexandru et son épouse Cristina, depuis Bucarest, font partie du cercle de la maison du Goupillou, de ces talentueux artistes roumains et moldaves qui sont dans nos pensées.
Cerise sur le gâteau, Alexandru sera bientôt "chez nous", ou plutôt chez nos voisins et amis de Beaurecueil, forge de la poésie pour une exposition qui fera date ! Informations à suivre... bientôt !


27 novembre 2022

Elisa Shua Dusapin a mis un point, presque final, à son prochain roman. Il aura pour cadre une maison en Dordogne... Merveilleux clin d’œil involontaire adressé à la maison du Goupillou. Ecoutez les mots, le ton et l’émotion d’Elisa Shua Dusapin quelques heures avant son départ...

La voix d’Elisa et des photos...


02 11 2022

Le 22 octobre dernier, le New-York Times proposait à ses lecteurs un conseil de lecture qui nous honore, nous la maison du Goupillou. Imaginez que l’écrivaine dont ce journal est dithyrambique n’est autre qu’Elisa Shua Dusapin, en résidence à la maison du Goupillou. Nous rosissons de plaisir ! Et surtout, nous sommes plus que ravis pour Elisa Shua Dusapin. RAVIS !


29 10 2022

Ce 30 octobre, Elisa Shua Dusapin est revenue ! Un deuxième mois de résidence, (je n’ose écrire un second !). Un mois d’écriture pour elle avec en ligne de mire un nouveau roman et... pour elle, nous et vous, une journée de partage le dimanche 27 novembre... bientôt, tous les détails.
Elisa, nous te souhaitons, inspiration et bien-être !
© Arnaud Galy - maison du Goupillou
#francophonie #ecrivainsuisse #dordogne #littérature #residenceartistique



25 10 2022

Public enchanté pour film enchanteur, dimanche à la salle Alcide-Dusolier au Château de Beaurecueil-Forge de la poésie. En présentant dimanche Goodbye Petruchka son premier long-métrage, la jeune réalisatrice étasunienne Nicola Rose (34 ans) a donné à voir un film à la trame tendre discrètement faufilée de cruauté.

Comment cette « espoir » du cinéma s’est-elle posée au Périgord Vert ? Par la grâce des réseaux la « Maison du Goupillou G748 » tenue par Arnaud Galy et Nelly Vranceanu et située à un jet de flèche du Château de Beaurecueil. Cette maison est consacrée aux résidences d’auteurs et d’écrivains.

De nombreux spectateurs ont donc sauté sur l’occasion de voir un film tout chaud sorti du four et de discuter en direct avec sa réalisatrice.

Et ils n’ont pas été déçus du voyage offert par ce film frais comme un bonbon à la menthe, friandise qu’une main grand-maternelle vous glissait dans la menotte à l’abri du regard des parents soucieux de la santé bucco-dentaire de leur progéniture.

L’Albatros du patinage
Goodbye Petruchka (en version originale sous-titrée en français) évoque et confronte deux destins. Claire, jeune marionnettiste, qui va vivre son premier amour avec tout ce que cela suppose de tourments, allers-retours des sentiments, petites trahisons et grands chagrins que dissipent les éclats de rire. Et Thibaud, étoile du patinage artistique, qui vient de raccrocher ses lames au vestiaire. Après avoir vécu des années à l’abri de sa bulle de sportif professionnel, le voilà aussi emprunté dans la vie quotidienne que l’Albatros du poème de Baudelaire.

D’autres personnages entrent dans la danse comme les insupportables mères de famille de la bourgeoisie parisienne qui emploient Claire comme jeune fille au pair et la traitent avec le mépris des parvenues du Ve arrondissement, leur progéniture perverse et surexcitée, les employées de réception revêches et absurdes dont les multiples visages sont joués par une seule actrice. Surtout, ne pas oublier la meilleure amie de Claire, une pétulante hypocondriaque, très encombrante mais dont la folie est parfois traversée de sagesse.

Emploi maîtrisé des marionnettes et de l’animation
Claire fourmille de projets dont un spectacle sur glace. La jeune fille tente de convaincre Thibaud d’y participer. Retrouver les patins au risque de faire ce match de trop que redoutent les boxeurs ? Lâcher la banque qui l’emploie et sa petite amie, aussi ennuyeuse et stable l’une que l’autre ? Ne divulgâchons rien par d’intempestives réponses.

L’une des réussites de Goodbye Petruchka tient dans deux éléments bien maîtrisés : d’une part, l’habile utilisation des marionnettes (Nicola Rose fut marionnettiste professionnelle) comme prolongement de la personnalité de Claire ; d’autre part, l’emploi des dessins animés qui interviennent dès qu’il s’agit d’illustrer les sentiments intérieurs des protagonistes.

Certes, le scénario mériterait d’être resserré au milieu de l’intrigue où l’on sent une légère baisse de tempo dans la narration. Toutefois, ces défauts de jeunesse ne sauraient occulter la performance de la réalisatrice qui nous a donné une oeuvre émouvante et drôle ; bref un film qui nous a fait du bien.

Jean-Noël Cuénod (Beaurecueil, Forge de la poésie)


25 10 2022

Goodbye Petrouchka projeté à la salle Alcide Dusolier
© Arnaud Galy - maison du Goupillou

Goodbye Petrouchka
Un certain cinéma américain, indépendant !

Une sensation anachronique s’est abattue sur la salle Alcide Dusolier, à la Forge de la poésie. Une sensation métissée d’ingrédients négligés par l’époque : une pincée d’apaisante lenteur, un zeste de drolatiques piques envers certains d’entre nous et une pelletée de poussières de lune.

Fichtre ! Quésaco ? Un film. 1 h 40 d’un OFNI* loin des univers Disney, Marvel et Pixar....

Parmi ces poussières de lune, Nicola Rose, New-Yorkaise francophone, ou plutôt Française de cœur née aux États-Unis par la facétie du destin. Nicola Rose est née dans une famille dont tous les membres ont entendu leur vie durant une phrase du genre... bon, quand est-ce que tu vas trouver un vrai boulot ? Un père et une sœur cadette dessinateurs de BD et une mère chanteuse lyrique. Nicola, par chance, n’a pas entendu ce genre de phrase quand elle leur a dit, voici une dizaine d’années, qu’elle voulait partir étudier le théâtre à Paris et qu’elle gagnerait sa vie comme marionnettiste. Les chiens ne font pas des chats.

La vie, les rencontres, les rôles dans des films, et des envies nouvelles l’ont fait dévier (pour un temps ?) de la marionnette et de la scène pour se consacrer à l’écriture et à la réalisation de films. Loin des standards du cinéma rouleau-compresseur tel que les Ricains savent imposer au monde bouché bée, Nicola Rose propose une histoire d’amour aussi tendre que fofolle, des personnages lunaires comme la poussière, du comique et des traits forcés droit sortis d’un spectacle de marionnettes ou d’une planche de BD, un choix musical sobrement classique cousu main. Tchaikovski, Debussy ou Saint-Saëns accompagnent Petrouchka.



Loin d’être une rêveuse obsessionnelle, la jeune femme affronte la jungle du milieu du cinéma, même indépendant, avec une constance et un engagement qui laissent pantois. TROUVER un budget, produire — sans le cigare qui sied à la fonction —, recruter une équipe de techniciens*, rencontrer et convaincre les comédiens, tourner, monter, post-produire, diffuser, penser aux versions sous-titrées, courir les festivals, poser tout sourire pour les photographes devant le panneau de logos des partenaires, promouvoir le film sur les réseaux sociaux et médias spécialisés... enfin, last but not least*, trouver le temps de venir à la Forge de la poésie, sur l’invitation de la maison du Goupillou. Là eut lieu la seconde projection non états-unienne.

Quel bonheur de voir la réaction des spectateurs, apaisés, émus, coooooool quoi ! Souvent, au moment des questions du public, un silence gêné écrase la salle. Briser la glace est délicat. Là, tout fut fluide. Pas de glace. Qui n’eut pas envie de papoter ou questionner Miss Rose ? Personne !

Bonne route Nicola Rose, l’indépendance a un prix, tous nous poussons avec toi pour que tu continues à vivre dans les étoiles... Goodbye Petrouchka et merci à toi d’être venue nous faire sourire et... couler une p’tite larme !

* Objet Filmé Non Identifié

* Message spécial pour les techniciens ; Hé Ho, les gars (surtout les gars), c’est Nicola qui vous engage et vous paie ! Elle sait ce qu’elle veut. Écoutez là. Parfois, vous êtes pénibles...

* En dernier mais pas le moindre


Nicola Rose et Christine Zwingmann, la réalisatrice et la chorégraphe en harmonie !
© Arnaud Galy - maison du Goupillou

17 08 2022

Mille mercis à Suzanne BOIREAU-TARTARAT pour avoir si bien capté l’esprit de la maison du Goupillou !
#littérature #francophonie #Cameroun #poésie #residenceartistique #dordogne #perigordvert #Brantôme #suisse #ecrivainsuisse #ecrivaincamerounais
https://www.bien-en-perigord.fr/une-langue-commune-pour-se-retrouver/


10 08 2022

Afrique et intelligence des liens
(... suite à l’acte poétique de Kouam Tawa, à Beaurecueil-Forge de la poésie.

Les poètes africains ont su conserver et parfaire l’intelligence des liens. Nous en sommes tissés, tous. Mais sur notre rive de la prospérité matérielle, nous en avons perdu la trame. Le poète camerounais Kouam Tawa nous incite à la redécouvrir. Cela s’est passé à la Maison du Goupillou et à Beaurecueil-Forge de la poésie, samedi dernier en Périgord Vert. Le public, envoûté, en a cru ses oreilles.

On appelle ce type de spectacle « performance  », resucée du franglais qui traduit mal ce dont il s’agit. C’est-à-dire d’un acte poétique. Un acte que l’on pourrait qualifier de « magique  » si cet adjectif n’avait pas été dévergondé par un usage aussi intense qu’inapproprié. Tout est magique, même un but de Mbappé. Donc plus rien n’est magique.

La magie, la vraie, est un processus de transformation du désir vers sa réalité.

Au cœur du verbe « faire »
Cette transformation a pour moteur l’acte poétique. Rappelons infatigablement l’étymologie du mot « poésie  » qui est tirée du verbe grec poiein soit en français « faire ». On compose des vers, on rédige des textes mais on fait de la poésie car cet acte dépasse celui d’écrire. Un poème s’écrit mais aussi se dit et se met en geste, en musique.

La poésie est créatrice de rituel en ce qu’elle créé un espace sacré contrairement à la prose, du moins celle qui ne porte pas en elle cette vibration propre à la poésie.

Par cette mise en rituel, la poésie forme un égrégore, cet être psychique qui émane de tout groupe humain, décrit par mains auteurs et surtout par le médecin et poète surréaliste et franc-maçon Pierre Mabille :

L’égrégore est (…) ce tout qui dépasse l’ensemble de ses parties, ce rassemblement d’individus qui donne naissance à une entité nouvelle et autonome (cf. Pierre Mabille, « Egrégores – Ou la vie des civilisations »- Egrégores Editions).

C’est donc en pleine conscience que Kouam Tawa a créé et partagé son acte poétique, tout d’abord à la Maison du Goupillou, sur la commune de Rudeau-Ladosse, puis à 800 mètres en contrebas, à la salle Alcide-Dusolier du château de Beaurecueil-Forge de la Poésie.

Rituel de l’eau
Avant de prendre parole, Kouam procède à un rituel de l’eau « trois gouttes par-ci, trois gouttes par-là, trois gouttes plus loin, neuf gouttes en tout ».

Ainsi ondoyés, les spectateurs – disons plutôt les participants – sont embarqués dans deux poèmes – Loin d’être loin et Gouttelettes – que le poète camerounais avait écrits, durant les deux nuits précédant ce partage, à la Maison du Goupillou où il a trouvé résidence d’écrivain ( belle présence également en ce lieu de la romancière franco-helvéto-corréenne Elisa Shua Dusapin).

Et nous voilà, sous la voix envoûtante du guérisseur Kouam, foulant en même temps la savane du pays Bamiléké et les sentiers moussus de la forêt périgordine.

« Loin d’être loin », en effet. L’eau qui a servi de baptême au partage poétique vient de la fontaine de Saint-Sicaire à Brantôme. La légende lui a donné le nom d’un enfant martyr, l’un des Saints Innocents tués par les soldats du roi Hérode au moment de la naissance de Christ Jésus.

Cette fontaine proche de l’Abbaye de Brantôme fut un lieu de pèlerinage, son eau étant censée rendre fécondes les femmes stériles et sains les enfants malades.

Un même goût salé…
La source de cette fontaine surgit-elle des rochers du Périgord Vert ou de la cruche de Kenmali ou de Touokm’si ? La femme qui se désole de son ventre infécond est-elle une paysanne d’ici ou de là-bas ? La mère qui oint de cette eau son fils malade prie-t-elle en occitan, en français ou dans l’une des 248 langues régionales du Cameroun ? Vaines questions. Toutes les larmes ont le même goût salé. Celles qui coulent aussi lorsque les réfugiés quittant l’Afrique sombrent en Méditerranée.

Le poète Kouam, par son verbe, fait vibrer chacun des liens qui tissent nos vies, la vie. Liens avec ceux qui ont rejoint la classe des ancêtres, liens avec l’arbre, la fleur, l’animal, le ciel, le soleil, la pluie, le proche, l’étranger, avec chaque homme, chaque femme, avec celles et ceux que l’on aime, celles et ceux que l’on aime moins.

Retrouver le sens de la parole
La mort n’existe que pour les malheureux qui ont coupé les liens ; pour les autres, pour Kouam et les poètes, elle fait partie du processus vital. Elle est la porte ouverte vers d’autres aventures.

Il reste à bien nommer les êtres et les choses, à l’instar de Kouam Tawa :

et je sais par vous
pères et mères
qu’une chose
est moins
ce qu’elle est
que ce que l’ont dit
qu’elle est
quand on le dit
avec des mots
qui vont au coeur
des choses
et pénètrent
le sens de la parole.

Kouam Tawa, ta voix résonne encore dans nos forêts, « loin d’être loin », disais-tu…

Jean-Noël Cuénod
Beaurecueil-Forge de la poésie

Texte également publié sur :
1.Médiapart
2. Tribune de Genève
3. Site perso


09 08 2022

© Arnaud Galy

Depuis 3 semaines, le poète engagé, Kouam Tawa, vit à la maison du Goupillou. Il écrit, rencontre et surtout donne bien plus qu’il ne prend. Son Cameroun, celui dont le Peuple camerounais dit : « Si on t’explique le Cameroun, si tu comprends c’est qu’on t’a mal expliqué », vogue de galère en galère. Son vieux crocodile de dictateur n’en finit plus de finir. Au pays, il se dit qu’après 40 ans de règne, l’indéboulonnable Paul Biya pourrait laisser sa place à un jeune crocodile en la personne de son fils. 40 ans de plus ? Comme les Tchadiens ?

Fatigué. Le peuple camerounais est fatigué. Fatigué d’être affamé, emprisonné, bâillonné. Fatigué d’être réduit à son ethnie, chanceuse ou malchanceuse : chanceuse est celle du président dictateur. Malheureuses sont les autres, toutes les autres. Sont-elles 200, 250 ? Autant que les langues qui elles sont 250... Le Cameroun est une faillite. Certes, pas pour tout le monde, les poissons qui nagent dans le marigot autour du vieux crocodile ne sont pas à plaindre.

Pendant ce temps, Kouam écrit, Kouam poétise, Kouam se souvient et se projette. Épée de Damoclès au-dessus de la tête, il marche sur un fil. Comment dénoncer les uns sans déraper, comment soutenir les autres sans être mis à l’ombre manu militari ? Comment marcher de résidences en théâtres à travers le monde francophone sans mettre ses pas dans l’ambiguïté et le tragique des histoires coloniales, comment servir son pays si on porte l’étiquette « soutenu par Paris », comment porter haut la voix du bas peuple et celui des discriminés si l’absence de porte-voix étouffe la parole ? Le point d’interrogation plane au-dessus de sa tête, comme Damoclès déjà cité.

Kouam écrit et poétise, au pays il met en scène. Pour les adultes afin que ces derniers se sentent accompagnés, pour les enfants, car il faut bien croire en quelques-uns, en quelque chose...

À la maison du Goupillou, Kouam Tawa hameçonne aussi. Les étrangers, les passants et les amis. Que son discours conte les us et coutumes de son chez lui, Bafoussam ; qu’il réinvente à grand coup d’imaginaire poétique ouest ou central africain la légende de la fontaine miraculeuse de Saint Sicaire à Brantôme ou qu’il métaphore sur les crocodiles, il conquiert les cœurs et les âmes.

Kouam écrit et poétise. Moi, je pense à Soleil inconnu, chanson écrite par les Blankass... Qui sait pourquoi ?

Il est de tout les pays sombres
Dans tous les livres de demain
De toutes les armées de l’ombre
On le connaît mal et si bien
Il est de tous les pays sombres
Et des départements voisins
Il a le regard d’une colombe
Dans les yeux une arme de poing

Dans les endroits toujours plus chauds
Dans les prisons rouges ou bien noires
C’est toujours par là qu’on peut voir
Le soleil inconnu

Gloire, gloire
Au soleil inconnu
Gloire, gloire gloire
Au soleil inconnu
Gloire, gloire
Au soleil inconnu

Celui qu’on retrouvera demain
Sur les tee shirts et les photos
Aujourd’hui cherche un peu de pain
Aujourd’hui va risquer sa peau

On peut toujours se prendre au jeu
Mais garder inscrit dans un coin
Que tous les portraits qu’on accroche
Sont imprimés sur du chagrin

Si on le fusille à l’aurore
D autres verront le jour ce soir
On peut quand même apercevoir
Le soleil inconnu

Gloire, gloire
Au soleil inconnu
Gloire, gloire gloire
Au soleil inconnu
Gloire, gloire
Au soleil inconnu

Il est de tous les pays sombres
Et des départements voisins
Il a le regard d’une bombe
Dans les yeux d’un joli gamin
Malgré l’obscurité
Et le visage caché
Il brille autant qu’un astre
Regarde le me dire
Rien n est jamais fini

Gloire, gloire
Au soleil inconnu
Gloire, gloire gloire
Au soleil inconnu
Gloire, gloire
Au soleil inconnu

Soleil inconnu
Blankass - 2005


29 07 2022

Dernière semaine de juillet. L’accablante chaleur des dernières semaines fait place à une météo qui autorise visites et balades. La maison du Goupillou prend tout son sens. Kouam Tawa, de retour d’Avignon via Paris est de retour et a repris ses « phosphoration » poétiques, quant à Elisa Dusapin, elle nous a rejoints pour quelques semaines avant de revenir cet automne pour une seconde session de travail. Son éditeur attend, l’attend !

Mais pour coucher sur le papier fruits et pépites, il faut savoir nourrir et hydrater son ciboulot et son imaginaire. Soit dit en passant, les imaginaires d’Élisa et de Kouam sont loin d’être déshydratés ! Ça fourmille, ça crépite, ça déborde entre animisme d’Afrique centrale, us et coutumes du Cameroun d’un côté et le mille-feuille franco-suisso-coréen de l’autre, les deux plumes résidant à la maison du Goupillou ne peuvent être qualifiées d’auto-centrées étriquées !

Bref, revenons à nos moutons... Les réveils sonnent de bonne heure et l’écriture se prolonge jusqu’en milieu d’après-midi. Rien ne doit venir troubler ce travail studieux autant qu’inspiré. Ensuite, quand vient l’heure du thé, il est temps de se dégourdir les jambes et les neurones. Mobilisation générale des amis locaux de la maison du Goupillou. Visite de la grotte du Jugement dernier à Brantôme, exploration des cluzeaux de La Rochebeaucourt et balade commentée au Repaire de la Vergne entre tour médiévale, pigeonnier et terrasse surplombant l’étang et la vallée de la Lizonne.

Merci à toutes et tous, Julie, Christian, Christine, Jean-Noël


Elisa Dusapin, Kouam Tawa et Nelly Vranceanu dans l’église du plateau d’Argentine à La Rochebeaucourt, 16.
© Arnaud Galy

22 07 2022



18 07 2022


Depuis le 14 juillet, Kouam Tawa occupe la chambre des Croquants. Jusqu’à fin août, ce poète, écrivain et dramaturge camerounais profite du calme, de la verdure et des fantômes indigènes pour mener à bien ses écrits. Bienvenue à lui et à son imaginaire fascinant. Il prend ses marques. Son apparente tranquillité cache une bouillonnante conviction que la poésie est une arme rare contre les injustices, les discriminations et les bosses. N’a-t-il pas animé des ateliers d’écriture dans des prisons ou plus récemment dans un hôpital psychiatrique ? Ici, le temps s’écoule pour lui. Privilège de goupils.


27 06 2022


Oui, nous le savons, nous vous avons fait attendre mais... le programme des résidences estivales est enfin bouclé. Et, quel été !

Acte 1

Grâce à la Fondation Michalski (lire message précédent) nous accueillerons un écrivain camerounais. Écrivain, que dis-je ? Homme de théâtre, poète, auteur de textes pour les enfants... nous avons l’immense plaisir de vous présenter Kouam Tawa.

Auteur dramatique, poète et metteur en scène, Kouam Tawa est né le 31 mai 1974 à l’ouest du Cameroun. Il réside dans sa ville natale et se consacre à la littérature, au théâtre et à l’animation des ateliers d’écriture. Il a obtenu le premier prix ACCT de littérature africaine pour la jeunesse, le prix poésie des lecteurs Lire et faire lire, et a été lauréat des bourses d’écriture de l’Association Beaumarchais, du Centre National du Livre, du programme « En quête d’auteurs » AFAA-Beaumarchais, de la DMDTS, du programme « Visa pour la création » de Cultures France, d’ARTCENA et du programme « Des mots à la scène » de l’Institut Français. 
Il a été en résidence d’écriture au Festival International des Théâtres Francophones de Limoges, au Triangle - cité de la danse de Rennes, à la Résidence d’auteurs dramatiques francophones en Valais, à la Résidence 10 sur 10 de Brunow (Pologne), au 104 (Cent Quatre), aux Récollets, à la Villa Bloch de Poitiers, au Collectif 12 à Mantes la Jolie et maintes fois à la Cité Internationale des Arts de Paris.
Il a animé des ateliers d’écriture et de dramaturgie dans une douzaine de pays de l’espace francophone et publié une trentaine de livres, la plupart étant pour la jeunesse. (Gallimard Jeunesse, Rue du monde, Tertium, etc.)

A lire, Kouam Tawa au Festival les Zébrures de printemps à Limoges (France)

Kouam Tawa résidera à la maison du Goupillou après avoir présenté un de ses textes au Festival d’Avignon le 11 juillet 2022.

Enfin, gardons pour la fin, ce qui pourrait passer pour notre « cuisine interne », mais pourquoi ne pas partager les recettes savoureuses. Au-delà de la Fondation Michalski, deux autres acteurs soutiennent la venue de Kouam Tawa à la maison du Goupillou : Les Francophonies, des écritures à la scène à Limoges qui a œuvré en coulisse pour nous faciliter la vie et La Chartreuse, Centre national des écritures du spectacle à Villeneuve lez Avignon. « Cuisine interne » épicée, non ?

Acte 2

Il a suffi d’un appel téléphonique de Jan Nowak (conseil d’administration de la maison du Goupillou) pour qu’Elisa Shua Dusapin soit partante pour s’installer en août puis à l’automne ici, dans notre cocon. Écrivaine franco-suisse, Elisa Shua Dusapin est née en Dordogne – quel hasard ! - et vit en Suisse où sa jeune carrière est en ébullition. Son Hiver à Sokcho ne vient-il pas de remporter le National Book Award* états-unien ce qui lui a valu une tournée américaine, mais pas que, aussi dense que nomade, de bibliothèques en librairies, de salons du livre en universités. Elisa Shua Dusapin viendra au calme, loin du récent tumulte où elle s’immergea, ici à la maison du Goupillou. Gageons qu’elle y retrouvera inspiration, créativité et tranquillité... A moins que son esprit vagabonde vers la Corée du Sud où Hiver à Sokcho deviendra œuvre de cinéma, réalisée par Koya Kamura et interprété, excusez du peu, par Rochdy Zem. De quoi vagabonder, non ?
Cela dit, nous sommes impatients et ravis de cette perspective. Un temps, Kouam Tawa et Elisa Shua Dusapin phosphoreront ensemble à la maison du Goupillou. Cette dernière prendra alors tout son sens ! Nous vous reparlerons de tout cela ! Avouez que cela valait la peine d’attendre un peu...

* 150 romans contemporains écrits dans 27 langues sont en « compétition »


13 04 2022


Aujourd’hui, permettez-nous d’être contents de nous ! Rassurez-vous cher(e) s ami(e)s de la maison du Goupillou, nul « enflage » de cheville à l’horizon, juste un moment de contentement. L’information date de quelques semaines, mais nous cherchions à la faire fructifier avant de l’annoncer : La maison du Goupillou est soutenue par un acteur « cinq étoiles » du monde des résidences d’écriture et de l’écriture en général : la Fondation Michalski, basée en Suisse.
Fin 2021, nous l’avions sollicité en expliquant notre initiative et nos « ambitions ». Nous avons été écoutés et entendus ! Quel bonheur de se savoir crédible par une telle fondation pour notre première année réelle d’existence. Nous avons donc le plaisir de vous dire que, grâce à la Fondation Michalski, nous accueillerons deux nouveaux auteurs, qui seront des autrices d’ailleurs, en plusieurs séquences entre le printemps et l’automne de cette année. À quelques micropoints près, les deux autrices choisies ont donné leur accord et dans les prochains jours, nous vous dévoilerons les noms. Un peu de patience, que diable ! Le plaisir n’est-il pas dans l’attente ?


12 03 2022

Quelle période tragique et illisible !
Pourtant, tant qu’il sera possible la maison du Goupillou refusera de céder à la tentation de dire... et puis à quoi bon ! Continuons à accueillir, créer, transmettre... la prochaine résidente sera Emmelyne Octavie comme nous en parlions lors du dernier message. Emmelyne sera chez les goupils le 28 mars pour un mois. Mais, avant de prendre le temps d’écrire et de s’évader, elle sera en représentation dans la région.
 Vendredi 18 mars à 18 h à l’Espace Noriac, Limoges, pour une lecture de « Mère prison ». (Festival les Zébrures d’automne)
 Samedi 19 mars à 20 h à l’Espace Noriac, Limoges pour une lecture musicale de « Battements de mots ». Festival les Zébrures d’automne.
 Mercredi 23 mars à 18 h à l’espace Intermonde, La Rochelle, pour une lecture musicale de « Battements de mots »

Faites-vous plaisir ! Allez-y...

Au fait, encore une info... deux résident(e)s sont en approche... Les goupils vous en parlent très vite !


27 01 2022

Le printemps sera guyanais à la maison du Goupillou !

La nouvelle vient de tomber, elle mijotait depuis quelques temps, peur que ce satané Covid ne vienne jeter nos projets aux orties. Mais l’art semble plus costaud que lui. Emmelyne Octavie sera des nôtres tout au long du mois d’avril. Petit à petit, nous vous dévoilerons des pans de son travail et de sa personnalité. Aujourd’hui, nous vous proposons de la découvrir en lisant un article écrit pour www.agora-francophone.org
La résidence d’écriture est honorée d’être au cœur d’un séjour en métropole qui conduira Emmelyne à Limoges, invitée au festival les Zébrures de printemps et à la Rochelle où elle se produira au Printemps des poètes... terminant son "tour" par un mois d’écriture à la maison du Goupillou.


30/08/2021

L’aurevoir du Goupil à Aneta
Croyez-le si vous voulez mais le goupil qui a su apprivoiser Aneta est venu nuitamment la saluer. Les cartésiens n’en croiront pas leurs yeux en lisant ces lignes mais, alors qu’Aneta passait ici sa dernière nuit pour cette année, l’animal intuitif est venu glapir sous sa fenêtre. Nous ne l’avions jamais entendu auparavant ! Aneta est certainement la personne qui a eu le plus de "relations" avec les renards du Goupillou, nous en sommes ravis et aussi profondément épatés pour ne pas dire émus ! Chacun verra le signe du hasard ou celui d’un mysticisme échevelé, selon ses convictions. Seuls les faits sont rapportés ici.


22 et 23/07/2021

Nelly Vranceanu
© Arnaud Galy

Si la maison du Goupillou se dédie principalement aux manieurs de mots, aux manipulateurs de la langue et aux remplisseurs de pages vierges, elle n’en est pas moins ouverte aux autres expressions artistiques. Nelly Vranceanu, l’administratrice de la MdG n’est-elle pas artiste peintre ? Son atelier n’est-il pas, là, à l’entrée de la maison ? Les peintres y sont donc les bienvenus, aussi.

Comme chaque année depuis 2015, le maître aquarelliste moldave Eugen Gorean est venu animer un stage d’aquarelle. Au diable la COVID. En prenant les précautions d’usage, rien n’a pu priver les stagiaires du bonheur de retrouver Eugen et son épouse Ioanna.


Eugen Gorean à la manoeuvre...
© Arnaud Galy

Pour ce faire, la MdG a migré vers le Repaire de la Vergne, à une poignée de kilomètres du pays des goupils. Le lieu est spacieux, chaleureux et les propriétaires accueillants. Merci Christine et Christian...
Deux jours durant, Eugen n’a pas hésité partager son incroyable expérience. Ce généreux trentenaire nomade, qui de sauts de puces en vols intercontinentaux a exposé ou encadré des stages en France, Belgique, Angleterre ou Hongrie... du Massachusetts à la Chine en passant par Saint Petersbourg était là, chez nous !


14/07/2021


© Aquarelle : Eugen Gorean

L’aquarelle, geste barrière anti-Covid

Qu’importe les virus vicieux et protéiformes, qu’importe le réchauffement climatique qui fait s’abattre sur la maison du Goupillou une température proche du mois de novembre et des giboulées marsiennes, qu’importe l’heureux événement qui s’annonce... comme les grues et les palombes, Eugen et Ioanna sont de retour. Pour le plaisir de tous ceux qui les ont croisés, ne serait-ce que la fraction d’un instant.

Ils ont quitté leur Moldavie voilà plusieurs jours, seront passés par la Bretagne avant de se poser à la maison du Goupillou. Lieu de repos et de travail que le couple affectionne depuis 5 ans maintenant.
Les 22 et 23 juillet, Eugen retrouvera « ses  » stagiaires, connus ou inconnus. Une dizaine, comme il se doit. Il les époustouflera par sa dextérité à manier l’aquarelle de ses mains de maître. Maître qui partage son savoir avec douceur et passion et qui accroche, expose, expédie ses œuvres de la Chine à l’Angleterre, des États-Unis aux Émirats Arabes Unis, de Chisinau à la maison du Goupillou. Les goupils en sont rosés d’émotion !

Dans l’aventure, une fois encore, la maison du Goupillou compte sur de sérieux partenaires. 4 kilomètres à vol d’oiseau et nous voilà au Repaire de la Vergne ou Christine et Christian Allard nous offre un magnifique cuvier en guise d’atelier. Pour clore les deux jours de stage, Eugen installera une exposition de ses nouvelles aquarelles, celles qui sont nées lors des confinements et des tragiques bizarreries de ces 15 derniers mois.

Il y a un mois, la maison du Goupillou et la Forge de la poésie s’ouvraient à une compagnie de théâtre ; fin juin une première résidente inaugurait la chambre des Croquants et depuis elle écrit, écrit, écrit... ; et maintenant, place à l’aquarelle. Et attention, pas n’importe laquelle !

Mais, il ne serait pas correct ni juste, de terminer ce billet sans évoquer la présence de Ioanna Costru. Certes, Eugen lui vole la vedette, car il anime le stage, mais...
mais, Ioanna est aussi pétrie de talent. Un jour, nous l’accueillerons pour animer un stage d’illustration. Elle embarquera ses stagiaires dans l’univers des contes pour enfants qu’elle connait sur le bout des pinceaux. Saperlipopette, ne nous emballons pas, demandons-lui, avant tout si elle serait partante... une question de consentement !

© Aquarelle : Eugen Gorean

17/06/2021
"Suite à la publication du 03/06/2021"

Criminalité, théâtre documentaire et catharsis

La réouverture des théâtres n’est pas seulement une vanne ouverte aux plaisirs, à l’instar des bars, terrasses, restaurants et autres lieux de la convivialité heureuse. Elle permet enfin à la scène de remplir son rôle essentiel au sein de la société : la catharsis. A ce titre, le théâtre documentaire est en première ligne pour purger les passions sociales.

Ce soir, Salle Alcide-Dusolier, au Château Beaurecueil-Forge de la Poésie (Mareuil-en-Périgord), des comédiens moldaves et français ont expliqué leurs démarches : Mihai Fusu, Manon Guillemin et Elsa Briangos ainsi que la traductrice franco-suisse Danny-Aude Rossel et l’artiste-peintre Nelly Vranceanu. Démarches qui sont partagées par nombre de comédiens qui mettent les mains dans le terreau du réel pour y extirper quelques pépites de conscience.

Mihai Fusu est en Moldavie - ainsi que dans d’autres pays comme la France et la Suisse - l’un des représentants les plus emblématiques du théâtre documentaire. Comédien mais aussi metteur en scène et pédagogue, Fusu a notamment œuvré dans un pénitencier moldave réservé aux condamnés à perpétuité pour crimes de sang, afin de former des détenus à jouer Hamlet de Shakespeare. Une vidéo sur cette poignante expérience a illustré le propos du metteur en scène-comédien à la Salle Alcide-Dusolier.

Hommes coupables parmi d’autres hommes coupables
Les détenus se sont aussitôt identifiés aux personnages de cette pièce traversée de sang, de colère, de désir de vengeance, qui n’est pas loin du désir tout court. Ils n’étaient donc pas que des prisonniers oubliés dans un cul-de-basse-fosse moldave dans des conditions indignes, mais des hommes coupables parmi d’autres hommes coupables sur la scène de l’humanité à perpétuité.

Mihai Fusu et son équipe se sont également attaqués à ce fléau qui reste tabou : la pédocriminalité. A la manière d’une enquête journalistique, ils ont interviewé des policiers, procureurs, victimes et pédocriminels, pour réunir et recouper les faits. Puis, ils les ont enchâssés dans un récit théâtral pour en présenter la substantifique moelle.

D’un patchwork de faits, Fusu et les siens ont tissé une vaste tapisserie – où les actes pédocriminels apparaissent de façon cohérente – animée par des personnages qui sont la synthèse des personnes rencontrées lors des enquêtes. Ils forment ainsi des archétypes qui en disent plus de la vérité qu’une masse informe de faits bruts.

La catharsis, une nécessité vitale
Ce faisant, ce théâtre documentaire remonte aux origines du théâtre grec qui provoquait au sein de la société cette catharsis qui lui est vitale (pour approfondir, lire cet article de la revue Recherches en psychanalyse). La « purgation des passions » – définition classique du mot « catharsis » – permet d’extirper les magmas d’ombres qui embourbent la société et de les projeter vers le public en suivant le processus précis de la dramaturgie. Ces magmas sont ainsi placés sous la lumière crue de la conscience collective.
Mais pas n’importe comment, « à la sauvage », comme dans les rézosocieux, ce qui aurait pour effet de nous aveugler, de nous assommer d’images et de propos incohérents nous interdisant toute compréhension des rouages complexes de la société.

Par l’emploi, quasiment rituélique, de la grammaire dramaturgique, ce calamiteux travers nous est épargnés et c’est une vision plus lucide et intelligente de notre monde qui peut être ainsi obtenue.
Le théâtre est plus que le théâtre.

Jean-Noël Cuénod


Mihaï Fusu et Nelly Vranceanu, des retrouvailles ici, à la Forge de la Poésie, au pied de la maison du Goupillou
© Le blogue du Goupil

Un échange attentif et convivial, Jean-Noël Cuenod à la baguette !
© Le blogue du Goupil

03/06/2021

Nous avons le plaisir de vous informer que le 17 juin à 19h chez nos amis de Beaurecueil - Forge de la Poésie, nous recevrons une troupe de théâtre franco-moldave pour une soirée lecture et rencontre :
 Mihai Fusu du Centre d’Art Coliseum, Chisinau (Moldavie)
 Elsa Briongos-Renaud et Manon Guillemin de la Compagnie 5h38, Paris (France)
 Danny Aude Rossel , comédienne et traductrice du "Septième Kafana"-

... autour de la pièce CORPS D’ENFANTS.
« Corps d’enfants » parle des abus sexuels sur les mineurs, de la pédocriminalité, du grooming et du tourisme sexuel sur internet.
Le texte a été construit à partir d’entretiens avec des enquêteurs, des procureurs, des avocats, des juges, des psychologues, des enseignants, des parents, des trafiquants, des agresseurs et d’anciennes victimes.
Il déroule avec finesse précision, sensibilité, les mécanismes d’emprise et de manipulation et vise à informer, alerter et prévenir ce phénomène.
Venez nombreux, Salle Alcide Dusolier - Château de Beaurecueil - Mareuil en Périgord (Saint-Sulpice de Mareuil)
Pour mieux vous accueillir, nous vous serions reconnaissants de bien vouloir vous inscrire :
jean-noel.cuenod@orange.fr


29/05/2021,

À quelques minutes marche, bottée ou sabotée, de la maison du Goupillou est fièrement dressé le château de Beaurecueil. Lieu qui autrefois forgeait boulets et canons à destination de la flotte royale à Rochefort et qui aujourd’hui forge des mots, avant tout de la poésie, et des chorégraphies. C’est l’entente cordiale entre les goupils et les poètes qui se sont donné comme animal fétiche, la libellule. En ce 29 mai de l’an 2021, c’est fête au château. Les poètes propriétaires, Christine Zwingmann Cuenod et Jean-Noël Cuenod inaugurent la salle Alcide Dusolier, ancien maître des lieux au parcours politique et littéraire des plus brillants.
Sont invités Bernard Lachaise, historien qui vient de publier une biographie d’Alcide Dusolier et Nelly Vranceanu, venue tout droit de la maison du Goupillou exposer ses huiles sur toile et ses graphismes. Une soixantaine de passionnés d’histoire locale et d’art sont au rendez-vous...
Visiteurs qui eurent le bonheur d’assister à une chorégraphie poétique rythmée par « Qui a éteint le feu », recueil de poèmes écrit en 2020 par Jean-Noël Cuenod.
Pour en savoir davantage sur Alcide Dusolier et sur la biographie écrite par Bernard Lachaise.
Inauguration qui sera suivie de bien des dates de rencontres, d’échanges et de libre cours à la créativité...



Photo et vidéo : © Le blogue du Goupil